LES PAPILLONS OU « LA PETITE ÉPICERIE DU SENSIBLE »
On connaît Barcella, chanteur, parolier, organisateur de festivals, mais qui est le romancier qui se cache derrière ce nouveau roman "Les Papillons" sorti ce 8 avril ? Rencontre avec ce poète des temps modernes, amoureux des mots et de la Vie.
Barcella, on vous connaît auteur-compositeur-interprète, organisateur de festival, mais qui est le romancier qui sommeille en vous ?
La sensibilité est la même, disons simplement qu’elle est mise au service d’une aventure nouvelle dans la continuité des albums que j’ai pu faire ces dernières années; dans un format qui me laisse en revanche davantage d’espace et de liberté. Je m’autorise une liberté poétique plus large.
La chanson est très ludique, c’est une mécanique que je connais bien. Or, dans le roman, si j’ai envie de tricoter ou de détricoter ma joie, ma tristesse ou bien encore mon espérance, je peux le faire sur 10 pages et personne ne viendra me couper dans mon élan. Il n’y a pas de limites. Cela vient assez logiquement avec le fait d’avancer dans la vie, à l’aube de la quarantaine, cela a eu du sens pour moi. C’était le bon moment pour coucher ma sensibilité sur un format papier.
Mathieu, votre livre « Les Papillons » vient de sortir en librairie, comment a-t-il été accueilli par la critique ?
Ce » métier » est vraiment une découverte pour moi. Je suis bien évidemment habitué à la promotion en radio lorsqu’on défend une chanson mais ici il n’en est rien. Le support de communication est totalement différent. Les éditions « Cherche Midi« , maison d’édition au sein de laquelle le livre est représenté, fonctionne sous plusieurs axes différents en terme de promotion.
Il y a 3 pôles de diffusion, à plus ou moins grande échelle, le premier ce sont les libraires. C’est eux qui tiennent l’ossature et la destiné d’un roman pour ainsi dire. La vie d’un livre dépend en très grande partie de la sensibilité des libraires qui vont le défendre. On partage facilement un extrait de livre qui nous a touché qu’un morceau de musique. Il y a un côté « petite épicerie du sensible » dans une librairie et cela me touche beaucoup. Un libraire connaît son public et s’il a un coup de coeur, il mettra le livre en avant en tête de gondole et c’est la beauté de ces sphères et du chemin. J’apprécie véritablement ces petits libraires de quartier qui sont un réel vecteur de lien social, un des derniers temple culturel au coeur d’une ville. Et, c’est appréciable qu’ils soient jugés aujourd’hui comme « essentiels ».
Au lancement du livre, nous avons eu plus d’une quarantaine de retours positifs de libraires, emballés par le projet, qui ont pris le temps d’écrire un mail, un poème, partager leur avis.
Il y a aussi les blogueurs littéraires, les amoureux des mots, fil conducteur de la diffusion. Ils sont très percutants dans leur échange, et très poétiques dans la mise en images.
La littérature, à la différence d’un disque, n’a pas de durée de vie, il y a bien évidemment de grandes chansons qui restent dans la vie quotidienne des gens comme celles de Brel, Brassens, Barbara, Ferret, mais cela reste assez rare de traverser les époques de la sorte. Quand on pense « livre », c’est presque intemporel et il y a un certain amour de l’objet, il fait partie de la vie des gens, on le griffonne, on le corne, on l’annote, on y dessine, c’est un compagnon de voyage qu’on se plaît à avoir en version physique plus qu’en e-book. C’est aussi pour cela que nous avons soigné la couverture du livre, des couleurs chaudes, quelque chose d’attirant, de délicat.
Enfin, les attachés de presse de la maison d’édition, qui proposent le livre aux émissions télévisées, littéraires ou non, afin ici, de privilégier une accroche plus nationale et plus « grand public ».
Globalement, les premiers retours sont très bons, ce roman sera défendu sur plus d’une année par ma maison d’édition car il n’y a pas de règle en matière de retombées, cela peut s’envoler rapidement, comme y aller crescendo et retomber comme un soufflet ou ne décoller que dans quelques mois.
Parlez-nous de la phase d’écriture, votre journée type d’écriture ? Des rituels peut-être ?
Depuis longtemps, l’écriture est une mécanique pour moi. Il ne se passe pas une journée, sans que je n’écrive pas un refrain, un couplet, c’est littéralement ce qui me compose, c’est ma manière de trouver le sucre de l’existence que de vibrer avec un instrument ou un stylo entre les mains. La chanson est très ludique, d’autant qu’une fois que le refrain est choisi et que la musicalité est bien présente, c’est pour ainsi dire, la moitié de la chanson qui est déjà entre nos mains.
Pour le roman, il faut peaufiner les chemins d’écriture, c’est plus complexe. J’ai du m’imposer une rigueur quotidienne, avec des plages horaires imposées d’environ 3 heures par jour. Je ne me suis pas pressé pour autant, j’ai laissé aller la plume en essayant d’éviter le verbiage. J’ai préféré un format condensé dans lequel les lecteurs vont vibrer et trouver quelque chose de sensitif. J’étais motivé à écrire une histoire qui se situe entre hier et aujourd’hui.
J’écris souvent en musique, avec cette toile de fond de notes, sans paroles, Vladimir Cosma, des musiques de films, du piano par exemple. Les mots viennent plus facilement, une fois bercé par les émotions présentes dans les musiques écoutées. J’écoutais des musiques légères ou tristes en fonction des passages du livre.
Ce livre nous parle d’amour, de partage, de renaissance, y’a-t-il quelques éléments autobiographiques ? Avez-vous quelques similitudes avec le personnage principal Alexandrin ?
Il y a un peu de moi dans chaque personnage, on écrit par le filtre de sa propre sensibilité. La sensibilité du narrateur, Alexandrin, est parfois proche de la mienne, mais celle de Marie, également, c’est elle le personnage principal. Alexandrin laisse complètement la place à l’histoire de cette femme. C’est un roman qui parle de la force d’une femme, de la beauté d’âme de la Femme. J’ai d’ailleurs, dédié ce roman, « à nos mères », car la mienne m’a transmis l’amour des mots étant professeur de lettres et de théâtre et je lui dois beaucoup, elle m’a poussé à l’écriture. Aujourd’hui, la place de la femme doit être centrale dans notre société. Les femmes n’occupent malheureusement pas encore souvent les places, les postes qu’elles méritent. Elles devraient avoir une place plus prépondérante qu’elles n’ont à l’heure actuelle.
La sensibilité nous vient souvent du féminin, c’est une force et non pas une fragilité. Cela permet d’appréhender le monde tel qu’il s’offre à nous, de pouvoir le raconter, le principe de création vient aussi de là. Au même titre que les tournesols sont sensibles au soleil, nos sommes sensibles à la vie qui nous entoure. Cette écriture a, en effet, été très introspective, on se découvre parfois une sensibilité qu’on ignorait, une colère, une peur, et le fait de les coucher sur le papier, cela leur donne une existence dans la matière. Un bon chapitre, une jolie tournure, c’est comme s’ils avaient toujours été là. Je me rends tout simplement disponible à ce que je peux aller cueillir, sans fioriture. La poésie se passe de détails et tout est beau dans la suggestion à l’échelle de la littérature car on offre la possibilité au lecteur d’imaginer la suite.
A chaque page de votre livre, sa poésie, combien de temps vous a pris l’écriture de « Papillons » ?
L’écriture de ce roman m’a pris une bonne année et demi, avec un investissement plus prononcé, il y a un an à la même époque. Une fois le roman validé par « Le Cherche Midi », j’ai redoublé d’efforts. Une fois les épreuves en main, la maison d’édition m’a accompagné sur tout le processus de sortie du roman ce qui a facilité mon implication et, à fortiori sa date de sortie.
Si vous deviez en quelques mots, donner envie à un futur lecteur d’acheter votre livre, que lui diriez-vous ?
Puisse-t-il vous émouvoir… Je n’ai pas d’arguments marketing à proposer. J’espère simplement que ma sensibilité rencontrera le plus grand nombre, ce lecteur qui promènera ses yeux et sa curiosité sur l’histoire que j’ai essayé de mettre au monde. Alors, si on partage cette sensibilité, j’aurai eu le sentiment d’être utile. Je n’ai jamais cherché à être reconnu à tout prix; mais j’ai le souhait qu’on voit mon oeuvre comme « positive ». Si mes mots vous rencontrent cela conviendra parfaitement à ma pudeur.
L’attention a été donnée sur des petits chapitres pour captiver davantage les lecteurs. A titre personnel, je prends cela très à coeur, à l’instar d’un film qui ne me captive pas, je ne vais pas aller au bout; j’ai utilisé la même démarche pour mon livre et j’ai donc choisi des chapitres courts pour maintenir la curiosité des lecteurs en haleine.
Parlons littérature, quel est votre livre chevet, ceux qui vous ont le plus marqués ou celui que vous relisez avec plaisir ?
Il y a des grands classiques pour moi: Jacques Prévert, Baudelaire, avec leur musicalité très prononcée de la langue. Je citerai aussi Sébastien Japrisot avec »Un long dimanche de fiançailles », Pagnol, avec cet accent chantant que j’affectionne particulièrement, et qui, selon moi, rend tout beau, même le deuil. Je dévore aussi quelques livres de développement personnel, comme Byron Katy avec son livre « Aimer ce qui est« , ou bien encore ceux de Guy Corneau. Bernard Werber fait aussi partie de mes inconditionnels, avec son « Encyclopédie du savoir relatif et absolu« , et bien sûr, « Les Fourmis« .
J’ai aussi quelques amis qui ont écrit de très jolis livres comme Mathias Malzieu du groupe Dionysos, Vincent Lahouse qui a écrit « Rubiel e(s)t moi« , l’histoire d’un enfant adopté, et enfin le chanteur Cali, qui a une très belle écriture.
Votre roman se conclut sur une note plutôt positive, chargée d’espoir et de douceur. Une manière de tordre le cou au cynisme ambiant et à cette lourdeur inhérente à la pandémie ?
Ce roman est fidèle à ma manière de voir le monde, à l’instar de mon dernier album « Soleil », c’est cette idée qu’au-dessus des nuages il y a toujours le soleil, bien présent. Lire le monde en poésie, c’est quelque chose de très inspirant. On passe tous par des moments plus ou moins joyeux et pour autant, nous continuons d’avancer, de vivre. Cela rejoint également le principe selon lequel, le chemin porte en lui plus de sens que la destination.
Pour finir, pouvez-vous partager avec nous une citation qui vous inspire ?
Il y en aurait beaucoup, je citerais Jacques Prévert qui ouvre le roman : « Même si le bonheur t’oublie un peu, ne l’oublie jamais tout à fait« .
En quelques simples mots, je trouve que la vérité de ce qu’il évoque est absolument touchante. Il y a cette idée que malgré tout, il faut garder espoir. On traverse parfois des épreuves difficiles et on met parfois quelques années à comprendre qu’elles étaient nécessaires, utiles et sensées. Tous les deuils plantent une graine, et nous nous créons tous par rapport à des failles. Pour finir, je pourrais également citer Léonard Cohen: « Il y a une fissure en toute chose, c’est ainsi qu’entre la lumière« . A l’échelle de l’auteur, on écrit par le prisme des émotions qui nous traversent et l’écriture nous apprend à les accueillir, et peut-être à terme, à les accepter et les dépasser.
Et, la chanson dans tout ça ?
La chanson demeure une passion dévorante, mais le livre en période de confinement est lui aussi un joli compagnon. Le secteur du disque s’apprête à vivre un « embouteillage » sans précédent lié à la crise que nous traversons. Nous subissons, en tant qu’artiste de la chanson, tout un tas de report de concerts, notamment dans le cadre des festivals.
A l’échelle de l’album, « Soleil » étant sorti il y a 2 ans, on repartira sur une tournée très intimiste en trio, (piano, batterie, guitare), pour fêter mes 10 ans de carrière avec une cinquantaine de dates pour ré-apprivoiser cette proximité perdue avec les fans. Peu de fioritures: célébrer l’Amour des mots, et raconter des histoires. Emouvoir et être ému, vibrer et faire tourner la vie.
Crédit photos: Edition du Cherche Midi.
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