IMMERSION DANS LE COEUR D’UN JEUNE POLICIER EN PLEINE ITALIE FASCISTE
Avec son titre atypique, qui attire aussitôt le regard, « Rome est une femme » est un livre qu’il sera difficile d’oublier. Le premier roman de Michel Chevallier est paru aux éditions de l’Harmattan à l’automne 2020.
L’histoire propulse son lecteur au cœur de la capitale italienne, Rome. Les évènements se déroulent en 1935, alors que le pays et toute l’Europe sont traversés par le fléau fasciste. Le jeune Cesare travaille avec la police. Celui qui a conservé son âme d’adolescent fragile et inexpérimenté se heurte à la brutalité de la vie. Dans cette ville si ancienne, réputée pour la beauté de son architecture et la richesse de ses artistes, la poigne du Duce se fait sentir.
Comme de nombreux autres dictateurs, lui aussi interdit de contempler le passé du pays pour se focaliser sur son image… Le fameux « culte de la personnalité » est parfaitement retranscrit.
C’est donc dans ce contexte historique si unique qu’évolue le protagoniste, soutenu par le commissaire, personnage secondaire, mais très bien développé — tout au long de l’intrigue. Le duo enquête sur la mort d’une jeune fille, retrouvée dénudée. La belle a de toute évidence été assassinée. La vision de ce corps féminin que Cesare ignore tant le décontenance grandement. Lui qui a été élevé dans la piété romaine, son esprit se sent chamboulé par cette charogne qui le hante dès sa première apparition. Entre les deux naît une histoire toute particulière, puisque l’un des deux amants n’est plus de ce monde…
Les amateurs d’enquêtes pourront aborder cet ouvrage en terrain conquis. Cependant, l’affaire criminelle n’est pas le cœur absolu de ce récit complexe et symboliste. Ce voyage intérieur se dévoile, à la manière d’un parcours initiatique. L’enfant devient un homme, petit à petit, se dégageant du noyau familial et explorant de nouveaux horizons…
Les rapports de police sont détaillés et réalistes, ils prennent une forme protocolaire tangible — preuve que l’auteur s’est considérablement penché sur le sujet. Cela donne du coffre au livre ainsi que de la crédibilité : des éléments très importants pour encourager l’immersion du lecteur dans cet ouvrage riche en action. Malheureusement, au milieu de toutes ces informations, l’enquête est soudainement bâclée par les autorités.
Un suspect est arrêté, pointé du doigt. Une bavure policière ? Un véritable mobile ? Les supérieurs du commissaire estiment que l’affaire est close. Le « coupable » est un homme issu d’une classe peu aisée. Comme le dit Ascanio : « Si nous continuons à enquêter sur ce meurtre, nous serons dans l’illégalité. » S’ensuivent plusieurs scènes, dont une qui est marquante : la fameuse séance de spiritisme. Le narrateur surveille les réactions des participants…
Élément clef qui va faire basculer tout le reste de la narration, cet épisode riche en émotions fortes est particulièrement éprouvant, avec un final qui donne des frissons. Liana et Cesare s’adonneront-ils enfin à une passion amoureuse ? Ce n’est peut-être pas là le sujet principal du roman, mais la question se pose. Filature, cachotteries, dérives cultuelles, embuscades et « climax », ce livre ne laisse aucune pause. Jamais le lecteur n’est à l’abri d’un retournement de situation ou d’une envolée lyrique improbable.
« Rome est une femme » est le fruit d’un travail intimiste, un témoignage aux airs de polar qui aborde des thèmes puissants comme l’enfance, la découverte de la sexualité, la quête de la vérité dans un milieu où le fascisme a introduit ses tentacules.
Au-delà de l’enquête policière qui sert ici plus de « toile de fond », cette fiction hautement symboliste révèle une connaissance précise de la culture italienne, qui n’est pas seulement celle de l’Italie fasciste, mais bien un éventail, composé de nombreux éléments, qui unis forment un pays contemplé de manière contradictoire.
Une plume intéressante et très souvent métaphorique, qui s’avère être un plongeon à la fois agréable et difficile dans la pensée d’un homme qui se cherche. Avec son intrigue haletante et ses personnages tantôt attachants et dérangeants, Michel Chevallier signe un roman fort, qui marquera durablement les esprits.
Crédit photos: Média Livres.
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