LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE LA MARTINIQUE, PARTIE CIVILE DANS L’AFFAIRE DU CHLORDÉCONE
Le procès du chlordécone aura-t-il lieu ? Ce pesticide destiné aux bananeraies a empoisonné les Antilles. Mais l’affaire pourrait être prescrite. Pour l’empêcher, la CTM se jette de tout son poids dans la balance.
Voilà 15 ans que des associations de protection de l’environnement et de victimes ont porté plainte en Guadeloupe et en Martinique. Au début de cette année, les juges d’instruction qui ont hérité du dossier ont reçu les plaignantes et ne leur ont pas caché que le procès était mal engagé. D’une part, des preuves ont disparu. D’autre part, il pourrait surtout y avoir prescription.
Aussitôt, la colère a débordé aux Antilles. Fort-de-France a connu sa plus grande manifestation depuis une décennie. La colère a saisi tous les Martiniquais et les Guadeloupéens qui ne sont pas résignés. Il faut dire que le chlordécone a été massivement utilisé de 1972 à 1993 dans les deux îles.
L’autorisation de mise sur le marché avait pourtant été refusée dans un premier temps. Puis elle a été accordée à titre provisoire et renouvelée chaque année pendant 20 ans. Pourtant en 1977, les Etats-Unis avaient interdit le produit pour ses ravages sur l’environnement et la santé des populations.
On sait donc depuis longtemps que le chlordécone est neurotoxique, reprotoxique, perturbateur endocrinien et cancérogène. On l’a pourtant laissé polluer les sols, les nappes phréatiques, les rivières et le littoral de la Martinique et de la Guadeloupe.
Les légumes racines qui sont la base de l’alimentation sont contaminés, les poissons côtiers qui l’enrichissent sont contaminés, le bétail est contaminé et, forcément, les gens le sont. 90 % des Antillais ont dans leur sang du chlordécone. Pour eux, le risque de cancer de la prostate est 5 fois supérieur à la moyenne nationale, il est le plus élevé au monde.
L’engagement de Serge Letchimy
Président du conseil exécutif de Martinique, Serge Letchimy a donc décidé de saisir la justice en se portant partie civile au procès du chlordécone. Il s’en est expliqué dans un communiqué ce geste : « Par ce geste historique, la Collectivité de Martinique, en tant que corps constitué, se saisit d’un dossier qui a impacté des générations de Martiniquaises et de Martiniquais. »
Lui qui, comme député, a présidé la commission d’enquête parlementaire sur le chlordécone sait bien de quoi il en retourne. « C’est un scandale d’Etat, a-t-il ajouté, avec des répercussions mortifères sur notre population. Il s’agit désormais de réparer. »
Crédit photos: Jean-Luc Hausser_CC BY-SA 4.0.
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