L’IMPACT DE LA CRISE EN UKRAINE SUR LES MARCHÉS FINANCIERS ?
Les marchés financiers sont rythmés par le sentiment général, alimenté par la politique monétaire des Banques Centrales, les conditions géopolitiques et la conjoncture économique.
Comment les tensions en Ukraine impactent-elles les marchés financiers ?
Dans un contexte d’incertitude, les actifs dits risqués, tels que les actions, les matières premières ou encore les crypto-monnaies, sont délaissés par les investisseurs au profit d’actifs dits sans risque, ou de valeurs refuges telles que l’or, ou encore le yen japonais.
Actuellement, les tensions géopolitiques entre la Russie et l’Ukraine nourrissent l’incertitude, et les nouvelles liées à ce conflit soufflent le chaud et le froid sur les marchés depuis plusieurs semaines.
Comment ces tensions géopolitiques entre la Russie et l’Occident peuvent-elles impacter les cours des matières premières ?
La Russie est l’un des principaux fournisseurs mondiaux de nombreuses matières premières, telles que le gaz naturel, le pétrole, le charbon, le blé, le maïs, le palladium, le platine ou le nickel.
Cependant, la crainte des dirigeants européens n’est pas centrée sur les prix du blé ou de certains métaux, mais sur une possible nouvelle flambée des cours du gaz naturel dans un contexte de crise énergétique sans précédent sur le Vieux continent. En effet, l’Europe se procure chaque jour près de 40 % du gaz qu’elle consomme auprès de Gazprom, le mastodonte de l’énergie sous le contrôle de l’État russe. Ainsi, la menace d’un conflit militaire en Ukraine a transformé le gaz naturel en une arme de déstabilisation massive. Cependant, cette nouvelle arme entre les mains de Vladimir Poutine, ne doit en aucun cas être utilisée pour préserver son pouvoir dissuasif.
En effet, si la Russie venait à couper les robinets du gaz, l’Europe n’aurait plus d’autres choix que de se détourner définitivement de Gazprom, retirant à la Russie une part importante de ses revenus. Cette arme de déstabilisation massive ne fonctionne que si on ne l’utilise jamais, mais une action militaire entraînerait indéniablement des dommages à des gazoducs et perturberait l’approvisionnement de l’Europe au moment où les stocks de gaz naturel sur le continent sont au plus bas.
C’est donc sans surprise que l’escalade des tensions a propulsé à la hausse les cours du gaz naturel à maintes reprises, avec des hausses allant jusqu’à 10% pour une journée. Il en va de même pour l’or noir, la Russie étant un important producteur de pétrole et un membre important de l’OPEP+.
Quelles conséquences sur les cours en France en cas de guerre en Ukraine ?
Bien heureusement, la France n’est pas le pays européen le plus exposé car le gaz russe transitant par l’Ukraine permet d’approvisionner la Slovaquie, l’Autriche et l’Italie. Malgré tout, la hausse des cours du pétrole et du gaz continueront de se refléter à la pompe à essence et sur nos factures d’électricité. Selon Bank of America, la facture énergétique des ménages européens augmentera encore de 50 % cette année, ce qui, d’un point de vue politique, représente un risque majeur, en attestent les manifestations des gilets jaunes.
Les entreprises françaises sont également frappées de plein fouet par cette hausse des prix du gaz naturel. Une hausse des prix qui est en partie due à une baisse considérable des stocks. Selon les estimations, les stocks de gaz naturel en France seront proches de zéro à la fin de l’hiver. Les stocks étant insuffisants face à une demande soutenue, les prix au comptant augmentent, mais cela pousse également certaines usines à arrêter ou ralentir leur production.
Une telle situation se reflète bien entendu sur les marchés boursiers, et vient s’ajouter à la pression issue de l’incertitude face aux tensions géopolitiques. Ce cocktail explosif continue donc d’impacter le CAC 40 et pourrait peser davantage en cas de guerre en Ukraine.
Quelles sont les solutions pour stabiliser le marché de l’énergie en Europe ?
Contrairement au pétrole, dont de nombreux pays consommateur détiennent des réserves stratégiques pour pallier au risque de pénurie, les stocks de gaz sont faibles et conçus pour faire face aux variations
saisonnières de la consommation plutôt qu’à des interruptions d’approvisionnement motivées par des tensions géopolitiques.
Dorénavant, les gouvernements européens devront veiller à ce que des réserves de gaz naturel soient mises en place afin d’assurer la sécurité de l’approvisionnement. Cela peut prendre la forme d’obligations de stockage minimum pour les entreprises ou de réserves stratégiques de gaz naturel, comme c’est le cas pour le pétrole aux États-Unis et d’autres pays occidentaux, depuis notamment l’embargo sur le pétrole de 1973.
Ainsi, de nouvelles orientations de long terme devront être prises afin de réduire la dépendance énergétique de l’Europe vis-à-vis de la Russie. Les tensions géopolitiques actuelles ont mis au centre des priorités cette thématique alors que l’Europe se prépare depuis des mois à la flambée des cours du gaz naturel que nous subissons aujourd’hui.
Cette situation nous rappelle la prise de conscience concernant notre dépendance envers la Chine, lorsque la pandémie de COVID19 nous a privé de notre accès aux biens produits à l’autre bout du monde, fragilisant de ce fait de nombreux secteurs confrontés à des pénuries et aboutissant à des hausses de prix généralisées. Cependant, comme pour toute dépendance, le sevrage est un long processus dont les bienfaits ne sont visibles qu’à long terme si les engagements pris sont respectés.
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Réda Aboutika, Chef analyste, XTB France.
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