MARTINIQUE : DES SOLUTIONS AGRICOLES POUR RÉHABILITER LES TERRES POLLUÉES PAR LE CHLORDÉCONE
Le chlordécone, ce pesticide utilisé sans aucune précaution pendant 20 ans dans les bananeraies, n’a pas seulement gravement affectés nombre de Martiniquais, il a aussi durablement pollué une bonne partie des surfaces agricoles de l’île. Au pied de la Montagne Pelée, une exploitation pilote, les Jardiniers du Nord, s’emploie à les remettre en culture.
Un père et son fils, François et Arnaud de Meillac, sont à l’origine du projet. Le premier l’a monté en faisant l’acquisition en 2006 de terres au Morne Rouge, au-dessus de Saint-Pierre. Le second est venu l’épauler, développer le côté expérimental et faire évoluer les objectifs.
Dès les premières analyses, ils ont su que le chlordécone était partout dans le sol, mais à des concentrations différentes suivant les parcelles.
Pour y échapper, François s’est d’abord lancé dans la culture hors-sol. Pour l’instant, ce sont surtout des tomates, qui poussent dans un support à base de fibres de coco. Les Jardiniers du Nord se servent de méthodes bio pour remplacer les pesticides. S’y ajoute un étonnant traitement sonore : trois fois par jour, comme l’explique Arnaud dans le magazine « Reporterre », des hauts parleurs diffusent sur les plants « des mélodies spécifiques qui vont inhiber les protéines de certains organismes. »
Les tomates, distribuées localement, bénéficient du label HVE (Haute valeur environnementale, ainsi que de celui créé en 2018 « zéro chlordécone ». Aujourd’hui, le seuil de contamination au chlordécone au-delà duquel les aliments sont déclarés impropres à la consommation est fixé à 20 microgramme par kilo.
Mais certains estiment qu’il devrait être à zéro. Les analyses régulières des fruits et légumes des Jardiniers ne révèlent aucune trace de chlordécone.
La solution de l’agroforesterie
L’objectif des Meillac est aussi de pouvoir produire en pleine terre en parvenant à dépolluer les sols. Arnaud mise sur l’agroforesterie. Il a replanté divers arbres, des fruitiers, des arbustes à épices et des bois de construction, sur 5,5 ha de parcelles en lisière de forêt. « La matière organique du sol a été augmentée, précise-t-il dans Reporterre, par les herbes, les feuilles, les branches pourries… Nous avons donc dilué la pollution. »
Dilué, mais pas réduit. La molécule est toujours présente dans le sol, le rendant impropre à la culture potagère. Or, dans ce « Jardin de la forêt », les Jardiniers espéraient bien faire pousser des légumes, en attendant que les fruitiers aient une taille suffisante pour produire. Il faudra patienter.
Expérimentation
Arnaud a tenté une autre méthode sur une des parcelles, pour en régénérer le sol de façon plus dynamique.
Il y a transplanté des blocs d’humus et de micro-organismes pris dans la forêt voisine, dans l’espoir qu’il s’y trouverait une espèce capable d’attaquer et de rendre inoffensive la molécule chimique. Une sorte de loterie naturelle, en quelque sorte. Mais, pour l’instant, il n’a pas touché le gros lot.
Crédit photos: Kwame Amo- Shutterstock.
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