PAUL LEMAIRE, SUR LES TRACES DE MES ORIGINES VIÉTNAMIENNES
Hors format, c’est un collectif de huit jeunes photographes documentaires avec un regard engagé sur la France et le monde. Ce qui les unit, c’est une envie commune de raconter des histoires au long court sur des sujets engagés. Au travers son histoire familiale, Paul Lemaire tente de reconstituer le passé, souvent insaisissable souvent tabou, du Viétnam de ses aïeux, devenu l'héritage de sa vie.
Faire une photo qui a du sens pour moi
Autre que de m’apporter un vrai bagage technique, mon passage à l’EMI (école des métiers de l’information) m’a permis de prendre du recul par rapport à ma pratique photographique. Alors que j’avais un temps décidé de courir après beaucoup de “mini-sujets”, je me recentre dorénavant sur les types de projets ayant du sens pour moi et par rapport à mon histoire.
C’est le constat du manque d’information sur les conditions de vie des travailleurs en Amérique Latine et en Afrique qui m’a donné envie de faire du photojournalisme. Le premier type est donc sur les conséquences de nos modes de consommation sur les pays producteurs de matières premières. Cela m’a amené à faire un reportage sur les conditions de production du cacao ivoirien et la déforestation amazonienne.
Le second type est sur mes origines familiales. Sur ces liens partiels -car les personnages principaux ont déjà disparus- mais existants. Sur ces liens invisibles qui tirent.
Être légitime sur le terrain
J’ai des origines vietnamiennes, du côté de ma mère. Mon arrière-grand-père Phin, né en Cochinchine, a débarqué en France en 1918 et a construit ensuite sa vie entre Marseille et le Havre. Depuis octobre 2021, je retrace le parcours de sa vie comme s’il l’avait vécu aujourd’hui.
La communauté vietnamienne en France est discrète. Mon intégration à elle reste très compliquée, même quand j’explique ma démarche. C’est d’ailleurs le sujet où j’essuie le plus de refus. J’imagine que c’est en partie à cause de la discrimination encore présente. En allant à Marseille pour en rencontrer la communauté viêt, j’ai constaté que la blessure de la guerre et de la colonisation était encore forte. Lors d’une pièce de théâtre (« la part manquante ») retraçant la quête de l’auteur (frano-vietnamien) pour retrouver son père, ma voisine s’est effondrée en larme.
La scène jouée à ce moment-là était une matérialisation de la 2nde guerre du vietnam. Elle l’avait vécu à l’époque et l’avait revécu à cet instant. Je me suis demandé ce que je faisais là, à échanger avec des gens au passé si lourd et souvent opaque.
Cet événement a déclenché une réflexion sur ma légitimité sur le sujet. Finalement, nous sommes restés en contact avec cette personne. Nous avons échangé, je suis allé manger chez elle, elle m’a aidé dans ma recherche de légitimité.
La Brume des fées
Ce sujet est lié à mon histoire familiale, elle est aussi intimement liée à l’Histoire française. Les questions de l’identité et de l’immigration en France sont tantôt taboues tantôt l’exutoire d’un malaise politique.
Aussi, à travers mon histoire personnelle, je souhaite revenir sur les pavés qui font la France, pour mettre en image un pan de l’Histoire. Celle qui disparaît souvent dans nos traits et nos mœurs individuelles mais qui marque physiquement notre société.
C’est cet univers que je souhaite reconstruire. C’est à dire une représentation de Phin ou du moins ce qu’on sait de lui, brodé dans un passé colonialiste parfois opaque, à travers les récits sporadiques de ma grand-mère, des histoires présentes mais incomplètes qui construisent un mythe nous pénétrant tout en étant insaisissable. Comme une brume de l’Histoire.
Phin est arrivé au Havre en 1937 quand ma grand-mère avait 2 ans. Ils en sont partis en 1941 : après les bombardements et pendant l’occupation la vie n’était plus possible. Etant propriétaire à Marseille, ils ont pu franchir la ligne de démarcation et repartir dans le sud. @Paul Lemaire
Il arrive à Marseille en 1918 comme marin et commis. Il s’attache à des petits travails avant d’ouvrir son propre restaurant. @Paul Lemaire
Arrivé au Havre Pin ouvre un restaurant dans le quartier de Saint Nicolas, situé près du port il accueillera certains marins et docker lors des pauses midi. Le rattachant à sa vie marine. @Paul Lemaire
Instagram : https://www.instagram.com/paullemaire__/
Collectif Hors-Format: https://www.collectifhorsformat.com/la-brume-des-fees-en-cours#0
Crédit photos: Paul Lemaire.
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