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Quel avenir pour les concessions autoroutières ?

Les grands contrats autoroutiers expireront entre 2031 et 2036. D’ici là, des investissements majeurs devront être consentis pour décarboner la route, principale source d’émissions de gaz à effet de serre en France. Dans ce contexte, la redéfinition des liens entre l’État et les entreprises privées est sur la table avec pour objectif de préserver la qualité des infrastructures tout en réduisant drastiquement leur impact environnemental.

Les autoroutes françaises sont déjà en train de se réinventer. Mais cette redéfinition à l’échelle d’un pays ne se fera pas en un jour. Entre 2031 et 2036, les principaux contrats entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroute (SCA) – représentant 90% du réseau français – arriveront à leur terme. Ces contrats ne sont pas gravés dans le marbre, l’heure est aujourd’hui à la réflexion pour les réorienter, dans le sillage des recommandations de l’Autorité de régulation des transports (ART). En janvier dernier, cet organisme indépendant du pouvoir politique a publié un nouveau rapport sur le sujet. En substance, l’ART dresse un bilan des contrats actuels et propose des pistes de réflexion pour l’avenir.

Écarter la démagogie du débat public

Loin de toute démagogie, l’analyse de l’ART prend en compte les intérêts de l’État, ceux des usagers et ceux des SCA. « Le modèle concessif présente des avantages certains, tel que celui de faire porter les coûts de l’infrastructure par les usagers, explique l’ART. Cette logique d’usager-payeur est vertueuse : d’une part, elle sécurise les financements nécessaires à l’entretien de l’infrastructure et au maintien d’un haut niveau de qualité de service, d’autre part, elle rationalise les choix d’investissements, ceux-ci étant encadrés par l’intérêt qu’ils présentent pour les usagers et la propension à payer de ces derniers. » Le modèle français – hérité des années 60 – a donc du bon, mais reste perfectible. Rendre les autoroutes « gratuites » ou même rompre les contrats existants (avec la bagatelle de 40 milliards à payer pour le contribuable) ne constituent pas une alternative crédible comme ont essayé de le soutenir Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon lors de la dernière campagne présidentielle. Ce serait un non-sens économique et un coup sévère porté à la justice sociale. Car oui, il vaut mieux faire peser le coût des autoroutes sur les usagers plutôt que sur l’ensemble des contribuables, y compris ceux qui n’ont pas assez de ressources pour acheter un véhicule.

L’autre argument des pourfendeurs des SCA, c’est leur rentabilité, à l’heure où les campagnes contre les superprofits des grandes entreprises animent les débats sur les plateaux de télévision. Oui, l’activité « autoroute » de ces sociétés est rentable – et c’est très bien ainsi, car l’État ne s’impose pas un fardeau supplémentaire à entretenir et financer. Non, les SCA ne dégagent pas de superprofits, comme l’explique bien le rapport de l’Autorité, dont la probité n’est pas à mettre en cause : « Depuis 2017, l’ART suit l’évolution de la rentabilité des concessions en mesurant leur taux de rentabilité interne (TRI), c’est-à-dire la rémunération des apporteurs de capitaux (actionnaires et créanciers) incorporée dans le péage. Sur la période 2017-2021, le TRI des sociétés concessionnaires d’autoroute (SCA) a baissé. Cette diminution est restée très modérée, malgré les effets de la crise sanitaire, qui s’est accompagnée d’une baisse de 22% des trafics autoroutiers en 2020. En effet, compte tenu de la durée des concessions, même des évolutions massives de dépenses et de recettes ne modifient pas substantiellement le TRI, tant qu’elles restent conjoncturelles. »

« Analyser l’évolution de la rentabilité des concessions permet aussi d’identifier des pistes pour mieux concevoir les contrats de concession à l’avenir, poursuit l’ART. Entre 2031 et 2036, les sept principales concessions, arriveront à leur terme, offrant une opportunité historique de repenser le modèle actuel. Les chantiers à mener étant nombreux, ils doivent donc être lancés sans tarder. » Il est certes tentant pour les détracteurs du secteur privé de tirer à boulets rouges sur les SCA. Le plus constructif, en réalité, est de proposer des pistes de réflexion pour améliorer leurs usages, à moins de dix ans de la fin de leurs contrats.

Quel avenir pour les autoroutes ?

Si la pérennité du modèle concessif n’est pas vraiment en question, la renégociation des contrats à venir sera très intéressante à suivre. Nouvelle boussole des politiques publiques, la décarbonation des transports s’est invitée dans le débat public depuis quelques années. L’État y est très attentif et les SCA ont déjà amorcé ce grand mouvement de bascule vers la route de demain.

Le 31 janvier dernier, un colloque organisé par La Fabrique Écologique accueillait toutes les parties prenantes du secteur, autour du thème La route, « grand impensé » de la transition ? Parmi les intervenants, le ministre délégué en charge des Transports Clément Beaune n’a pas botté en touche. Pour lui, l’heure est à l’adaptation du réseau : « Une fois que l’on a dit que la concession pouvait être intéressante, il faut en définir les paramètres. Je ne rentrerai pas dans l’ensemble du débat sur les concessions autoroutières, il est vrai que l’État n’a parfois pas assez bien défendu les intérêts des contribuables ou des automobilistes. Mais cela ne remet pas nécessairement en cause le modèle lui-même, et je pense qu’au contraire, nous devons essayer de le faire évoluer. » Selon lui, l’infrastructure doit s’adapter, « et c’est aujourd’hui notamment engagé dans les contrats entre l’État et les sociétés concessionnaires, pour créer des parkings de covoiturage pour que l’usage collectif de la voiture se développe. La même route peut aussi accueillir des solutions d’autopartage qui contribuent là aussi, par des changements de comportement et des changements d’usage, à décarboner notre économie et notre pays de manière générale. Il faut donc que l’on pense davantage les usages ». À l’État donc d’accompagner ces grands projets.

Les nouveaux aménagements en question sont déjà en cours. Plateformes multimodales reliant la route, le rail et les pistes cyclables, parkings dédiés au covoiturage, files réservées aux transports collectifs sur les autoroutes, péages en flux libres, installations de parcs de bornes de recharge haut débit… La liste est longue. Et coûteuse. L’installation de bornes de recharge sur autoroute représente probablement le meilleur exemple des investissements à long terme : « Il faudra environ un million de bornes de recharges accessibles au public d’ici 2035, nous n’en sommes qu’à 80000, souligne Brice Lalonde, président du think tank Équilibre des Énergies. C’est bien sûr insuffisant, mais nous voyons aujourd’hui des investissements privés massifs dans le domaine. Ces acteurs privés appartiennent à quatre catégories : les sociétés concessionnaires d’autoroute, les propriétaires de stations-services, les constructeurs automobiles eux-mêmes, et enfin des pure players autonomes qui souhaitent investir. Installer une cinquantaine de bornes sur une aire d’autoroute coûte environ un million d’euros, il faut deux ans pour les raccorder. Ce sont de gros chantiers et qui ne peuvent s’amortir que dans la durée. » Entre expérimentation et généralisation, les grandes manœuvres pour décarboner la route – responsables de près de 30% des émissions de gaz à effet de serre en France – ont donc déjà commencé. Mais elles prendront du temps.

Comment payer la transformation de la route ?

Les bonnes intentions et grandes orientations de l’État sont une chose, les moyens pour mettre ces projets en œuvre en sont une autre. Les miracles n’existent pas, tout comme les solutions simplistes. Même l’Espagne – qui avait tenté l’aventure de la gratuité – est en train de faire machine arrière afin de trouver les sources de financement pour la modernisation de son réseau. Le coût de la décarbonation de la route, désormais inévitable si la France veut tenir ses engagements « zéro carbone » d’ici 2050, tourne autour de 60-70 milliards d’euros… que l’État n’a pas. Le seul levier des pouvoirs publics reste leur coopération avec les opérateurs privés afin que les investissements de ces derniers soient fléchés dans la bonne direction. L’abandon du modèle concessif sonnerait la mort lente des autoroutes. Il n’y a qu’à voir l’état de nombreuses routes départementales, nationales et même des autoroutes non-concédées pour s’en convaincre, l’argent public manque et l’État n’a pas le savoir-faire.

La période qui s’ouvre donc aujourd’hui a pour but de redéfinir le partenariat public-privé du secteur autoroutier, entre investissements, durée des futurs contrats, rentabilité des entreprises. Clément Beaune l’a annoncé, 2023 sera l’année de la réflexion, afin de faire coïncider les intérêts de l’État, ceux des sociétés concessionnaires et surtout ceux des usagers.

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