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SOLIDARITÉ : UNE INITIATIVE QUI MET DU BAUME AU COEUR À REIMS

L’information a traversé les frontières et a été relayée par la télévision turque. Vu de loin, cela ressemble à un simple geste de bienveillance, aux abords du restaurant, c'est tout autre. C’est incroyable de se dire qu’en France, il persiste autant d’inégalités mais il est important de pouvoir encore compter sur des personnalités comme celle de ce restaurateur pour assurer une entraide là où il y en a besoin.

Présentez-vous, votre métier, vos aspirations, votre histoire familiale au restaurant. 

Le restaurant « L’istanbul » est ouvert depuis le 21 juin 2000, mes parents sont originaires de Bourgogne, mon père est dans la restauration depuis les années 80, à Chalon-sur-Saône où j’ai grandi. J’ai repris le restaurant en 2016 car ce restaurant a toujours été familial et je souhaite qu’il le reste malgré toutes les sollicitations de vente que nous avons reçu. Nous souhaitons qu’il reste dans la famille et que mon fils pourra prendre un jour ma suite, qu’il pourra connaître ce bonheur d’être libre et de travailler en aimant ce qu’il fait tout comme moi. Je suis conscient que c’est une chance d’aimer ce qu’on fait dans la vie et ce dispositif mis en place il y a quelques jours me conforte dans l’idée que j’ai bien fais de reprendre l’aventure familial.

Après 6 ans chez Apple et 2 ans chez IBM en tant que directeur de la partie B2B, je voulais absolument développer le restaurant familial via l’aspect économique et surtout l’aspect humain. Je gère une quinzaine de personnes et cela me prend 80% de mon temps, des profils atypiques et attachants. Ce sont des gens qui ont connu beaucoup de souffrances: des afghans, des iraniens, des irakiens, qui sont partis seuls de leur pays pour venir travailler et vivre en France en passant par de lourdes galères. Nous avons à coeur de les accompagner, de les aider, en leur apportant une stabilité et une reconnaissance qu’ils n’espéraient pas, en toute humilité. Nous sommes une famille, certains de mes salariés travaillent avec moi depuis près de 10 ans, ce qui est plutôt rare dans la restauration rapide. Il n’y a pas de turn-over comme dans les grandes chaînes de fast-food. Il y a chez nous, un vrai lien de confiance et d’attachement. J’essaie d’être un peu un grand frère, plus qu’un patron. Je passe peu de temps sur place à travailler mais le temps que je passe en dehors à les aider me réjouit et cela va dans le même sens que cette démarche solidaire réalisée il y a quelques jours.

Mavzer Tasdelen confectionnant ses « kebabs solidaires » pour venir en aide aux étudiants en détresse de Reims.

Pouvez-vous nous expliquer votre démarche de distribution de « kebabs solidaires », comment vous est venue cette idée ? Pourquoi et dans quel but ? 

Nous avions déjà agis en ce sens pour les infirmières et les agents d’entretien notamment pendant le premier confinement, dès que nous pouvons, nous le faisons. On le refera avec plaisir car humainement, le fait de se sentir utile nous anime.

Tout simplement, je crois beaucoup en ces chaines de solidarité, en cet effet boule de neige dans la vie, on s’inspire des meilleurs, des bonnes actions qui nous entoure, dans tous les domaines. Alors, je me suis inspiré d’une initiative que j’ai vu à Paris, d’un restaurateur qui pendant une journée a offert des plats aux étudiants, il a eu une couverture médiatique assez importante sur les réseaux sociaux. J’ai également vu un reportage d’ Hugo Clément, que je suis beaucoup, qui a interviewé un étudiant à Lyon qui revendiquait le droit à une alimentation correcte ainsi qu’une vidéo de la chaîne Brut relatant des suicides d’étudiants. Voilà, les éléments déclencheurs de ma démarche. 

Le but n’était pas de nous faire de la publicité, c’était uniquement de contribuer à rendre un peu plus joyeux le quotidien de quelques étudiants rémois.

Pensez-vous recommencer une nouvelle fois cette distribution au cours de l’année ? 

Sans aucun doute, mais cette fois sous une autre forme car dans ma conception ce n’est pas très normal de faire la queue pour un kebab en 2021 dans un pays comme le nôtre. D’autant qu’il faisait très froid ce mardi. Je ne supporte pas de voir des jeunes, des très jeunes dans le froid et dans l’attente.

J’ai parlé quasiment avec tout le monde pour les comprendre, pour savoir comment il est possible d’en arriver là. On nous avait prévenu que nous aurions beaucoup de profiteurs et finalement ça n’a été qu’à peine 5% car on ne fait pas la queue une heure dans un froid glacial quand on en a pas la nécessité, on le fait quand on a faim et besoin. J’ai vraiment été touché et dans le besoin de comprendre qui sont ces jeunes.

Quels ont été les retours des étudiants que vous avez servi ce jour là ?

J’ai eu des retours assez différents mais tous positifs, il n’y avait pas un seul profil de jeunes sur place, il y avait un pluralité de personnalités. La moitié des jeunes qui étaient présents venait de l’étranger, souvent des pays du Moyen-orient ou d’Afrique, et à découvert dès le 9 du mois, ils n’arrivent pas à s’en sortir financièrement, les loyers étant un gouffre financier pour eux. Et l’autre moitié était des jeunes, qui ont quitté le domicile familial pour venir étudier à Reims, obligés d’être présents pour les TD obligatoires et qui étaient venus pour croiser des sourires et des visages car ils se sentent seuls et ne voient personne. On sous-estime l’impact psychologique sur la vie sociale des jeunes et des gens en général, c’est dramatique. 

Tous les jeunes présents étaient très touchants et doués d’une vraie gentillesse, je pensais à des débordements, j’avais prévu une sécurité supplémentaire mais tout s’est passé dans le calme, et dans le respect des règles de distanciation sanitaires obligatoires. Certains étaient gênés d’être là, mélange de timidité et de honte de faire la queue pour un kebab, cela m’a beaucoup ému étant père. 

En rentrant de cette journée, j’ai mis du temps à me remettre de ces émotions et à décompresser, j’ai été très marqué et c’est aussi pour ça que je le referais. 

Combien de « kebabs solidaires » avez-vous distribués ce 9 février ? Votre démarche est totalement désintéressée mais quel coût financier représente votre geste de solidarité pour les étudiants ? 

Nous avons offert 200 kebabs soit 5 euros par kebab, nous avons financé 1000 euros de marchandises. Nous avions tablé sur une quarantaine de kebabs et nous avons été très surpris. Nous avons été obligés de refuser une cinquantaine de personnes. Nous avons rassuré ces personnes en leur affirmant que nous allions renouveler cette démarche mais cette fois sous une autre forme, notamment via des associations étudiantes.

Comment a été accueilli ce petit coup de pouce solidaire par vos salariés ? 

Mes salariés étaient ravis, tellement ravis que deux d’entres eux sont venus travaillé sur leur jour de repos pour participer à cette démarche. Culturellement, pour nous, c’est une fierté de donner et de contribuer à aider les autres. A la fin de la journée, on se sent heureux d’avoir pu le faire, tout simplement. Les voir sourire, et se régaler, on se dit que la journée a été bénéfique et utile. Humainement, c’est enrichissant, et je n’estime pas avoir perdu de l’argent, au contraire, j’ai beaucoup plus gagné ce jour là que je l’imaginais. Je suis toujours aussi ému par ce que j’ai vécu, même après quelques jours. Sans doute que le fait que je sois papa accentue aussi ce sentiment.

C’est une belle aventure et le plus beau élément, c’est que je reçois un nombre incalculable de messages de remerciements, de soutien, de solidarité et ça m’aide à croire en l’humanité de nouveau, c’est touchant. Ça rassure sur la nature humaine et cela veut dire qu’il y a de l’espoir, la société n’est pas complètement égoïste comme on veut nous le faire croire. Il existe encore ce petit souffle qui donne envie d’être optimiste. Je n’ai rien fait exceptionnel, cela ne devrait pas être autant mis en avant, cela devrait rentrer dans une normalité. 

Est-ce que, grâce à votre geste, vous avez senti qu’une chaîne de solidarité s’est déployée autour de cette démarche que ce soit à Reims ou ailleurs, auprès de vos fournisseurs par exemple ? 

J’ai été contacté par plusieurs personnes qui souhaitent faire de même et organiser ce genre de distribution gratuite. J’ai notamment un ami à Montpellier qui va s’inspiré de cette initiative et organisé la même chose dans son restaurant. J’espère que cela encouragera les restaurants de Reims et d’ailleurs à aider davantage les étudiants dans le besoin. J’ai aussi un ami qui m’a appelé en me disant qu’il allait offrir des cours de tennis aux étudiants qui le désiraient, alors ce n’est pas forcément de la restauration mais cela inspire les gens dans la générosité au sens large et je trouve cela génial. Je suis ravi que cela encourage d’autres personnes mais je ne suis pas là pour faire la moral à qui que ce soit ou dire à autrui ce qu’il doit faire, si on peut le faire, il faut le faire, mais il est vrai que cela est très compliqué pour les restaurateurs ces temps-ci. 

Je n’ai pas demandé à mes fournisseurs de participer, ils se sont manifestés d’eux-même. C’est incroyable, je n’y avais pas pensé, et ils ont tous répondu présents, sans exception. Il suffit d’y penser et de se poser la question, ce n’est pas insurmontable. Le premier obstacle est financier mais si on s’y met tous ensemble, tout devient possible. Il y a plus de gens qu’on imagine qui ont envie de donner pour les autres, je suis admiratif. 

Crédit photos: Istanbul Reims.

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